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Les dépôts monétaires en Alsace à l’époque gallo-romaine

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Notice de la carte

L’économie monétaire de l’Empire romain est bien développée et c’est vraiment à partir de la conquête de la Gaule, au milieu du Ier siècle av. J.-C., que la monnaie fait massivement son apparition dans la région. Elle est largement en usage en milieu urbain comme en milieu rural, sur tous les sites gallo-romains. Les monnaies sont parfois découvertes en lots importants que les archéologues appellent trésors monétaires.

Quel(s) phénomène(s) cartographie t’on lorsque l’on localise les dépôts monétaires ?

Cacher son argent est une forme d’épargne qui existe jusqu’à nos jours. Si on retrouve un dépôt monétaire ou un trésor aujourd’hui, c’est que son propriétaire ne l’a pas récupéré. Les causes peuvent être diverses (oubli, incendie, départ précipité, décès…). On a souvent fait la relation entre un trésor daté précisément et les périodes d’insécurité[1] que les Gaules ont connues pour illustrer un couloir d’invasion. Cette idée est largement remise en cause[2] aujourd’hui.

En Alsace, on recense à l’heure actuelle 60 dépôts[3]. Ils ont été le plus souvent découverts de manière fortuite, à l’occasion de travaux, rarement dans un cadre de fouille. C’est pourquoi le contexte archéologique de ces dépôts est particulièrement mal connu. Il arrive également que les dépôts, après leur découverte et avant leur étude, aient fait l’objet de partages ou de prélèvements sans que les archéologues en aient eu connaissance. Certains sont donc incomplets. En ce qui concerne la chronologie, la date au-delà de laquelle est intervenu l’enfouissement est fournie par la monnaie la plus récente. Ce dernier a donc pu se produire bien des années plus tard.

Lorsque le contexte du dépôt est identifié, il est possible de connaître les raisons de sa constitution. Le nombre et le type de monnaies sont également des indicateurs à prendre en compte.

On peut définir trois types de dépôts :

1/ les dépôts de monnaies de circulation. Il s’agit de petits dépôts de monnaies en usage à l’époque de leur enfouissement. Ils sont contenus dans des bourses ou des cassettes.

2/ les dépôts de thésaurisation. Le nombre de monnaies est variable. Le contenant peut être un coffre, un récipient en terre cuite ou en métal, ou encore un sac en matériau périssable (en tissu par exemple). Le dépôt le plus important en nombre en Alsace contient environ 40000 monnaies (Erstein). A Horbourg-Wihr, le dépôt découvert au lieu-dit Kreuzfeld en 2008[4], dans une parcelle d’habitation de l’agglomération gallo-romaine, contient 494 monnaies placées dans un vase et dont la date d’enfouissement est postérieure à l’année 254. Une personne (ou plusieurs) a thésaurisé des deniers et des antoniniens en argent sur plusieurs dizaines d’années et épargné, au rythme de 8 pièces par an, l’équivalent d’une année de solde d’un soldat. Cet épargnant utilisait des poids monétaires retrouvés dans l’espace d’habitation et écartait ainsi les monnaies fausses ou trop légères. Au IIIe siècle, la grave crise monétaire que traverse l’Empire engendre une méfiance généralisée vis-à-vis de la monnaie d’argent. L’antoninien, nouvelle espèce introduite au début du IIIe siècle, vaut 2 deniers pour un poids de 1 et demi. Sa teneur en argent tout au long de ce siècle ne cesse de décroître. On assiste également à la multiplication de fausses monnaies en cuivre recouvertes d’une fine pellicule d’argent. La thésaurisation de la bonne monnaie devient une pratique courante qui se généralise.

3/ les dépôts liés à un culte. Il s’agit de monnaies déposées dans un contexte de sanctuaire. A Sierentz, au lieu-dit Hoell, 41 monnaies ont été découvertes en 2006 dans une fosse à poteau, à quelques mètres du temple à double cella[5]. A Biesheim-Oedenburg, 31 monnaies, as et dupondii, étaient contenues dans des amphores-troncs devant les sanctuaires de la zone sacrée[6].

Pascal Flotté et Patrick Biellmann, 2013

Pour aller plus loin, il est possible de consulter la collection Trésors monétaires de la BNF et les Cahiers numismatiques.

 

[1] BLANCHET Adrien, Les trésors de monnaies romaines et les invasions germaniques en Gaule, Paris, 1900.

[2] VAN OSSELPaul, « Les cités de la Gaule pendant la seconde moitié du IIIe siècle. Etat de la recherche et des questions », in SCHATZMANN Regula, MARTIN-KILCHER Stéphanie, L’Empire romain en mutation. Répercussions sur les villes romaines dans la deuxième moitié du 3e siècle, Montagnac,2011, p.12-13.

[3] BIELLMANN Patrick, « Un dépôt de siliques brûlées à Oedenburg-Biesheim (Alsace) : un témoin de la présence des troupes de Gratien en 378 », dans Cahiers numismatiques, n° 197, septembre 2013, p. 39-47.

[4] BIELLMANN Patrick, « Le dépôt 1511 », dans FLOTTE Pascal (dir.), Horbourg-Wihr (Kreuzfeld), un quartier de l’agglomération gallo-romaine, rapport de fouille préventive, 2012, 7 vol.

[5] ROTH-ZEHNER Muriel, LE MARTRET Annaïg, « Le sanctuaire gallo-romain de Sierentz - ZAC Hoell (Haut-Rhin, F) », dans CASTELLADaniel , MEYLAN KRAUSEMarie-France (dir.), Topographie sacrée et rituels : le cas d’Aventicum, capitale des Helvètes (Actes du colloque international d'Avenches, 2-4 novembre 2006), Antiqua 43, Bâle, 2008, p. 298-303.

[6] POPOVITCH Laurent, « Les offrandes monétaires du sanctuaire », in REDDÉ Michel, Oedenburg : Fouilles françaises, allemandes et suisses à Biesheim et Kunheim, Haut-Rhin, France, 2-2, RGZM M79, Mainz, 2011, p. 197-204 ; « Les offrandes monétaires en Gaule romaine. Quelques réflexions tirées des découvertes d’Oedenburg et d’Alésia » in DE CASANOVE Olivier et MENIEL Patrice (dir.), Etudier les lieux de culte en Gaule romaine, Montagnac,2012, p.29-36.