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La campagne d’Alsace de la Brigade Alsace-Lorraine (septembre 1944-mars 1945)

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Caractéristiques

Auteur et institut Marie-Noèl Diener-Hatt
Périodes Époque contemporaine
Thèmes Révoltes, résistances
CartographeJean-Philippe Droux, CNRS (ARCHIMEDE)
EchelleOberrhein/Fossé rhénan
Date de création2014
Date de dernière modification2014
SourceCarte originale
Comment citer cette sourceMarie-Noèl Diener-Hatt, « La campagne d’Alsace de la Brigade Alsace-Lorraine (septembre 1944-mars 1945) », in Atlas historique d'Alsace, www.atlas.historique.alsace.uha.fr, Université de Haute Alsace, 2014

Notice de la carte

La campagne d’Alsace de la Brigade Alsace-Lorraine (BAL), septembre 1944-mars 1945

« La BAL c'étaient ceux qui avaient connu la neige dans les maquis d'arbres nains de Dordogne et de Corrèze […]. Ceux qui avaient arrêté l'avance de la Das Reich. Ceux qui avaient traversé la moitié de la France, dans d'ahurissants « gazogènes ». Ceux dont la moitié des armes étaient prises à l'ennemi. Ceux du centre venus combattre pour l'Alsace avec les copains alsaciens et lorrains qui étaient venus combattre avec eux. » (André Malraux, octobre 1948, Dannemarie).

Il faut insister sur l'originalité de cette unité d'infanterie qui a participé à la reconquête des Vosges du Sud à Strasbourg en épaulant des unités blindées de la 1ère Armée sous les ordres du général de Lattre.

- Originalité de son commandement : un écrivain antifasciste dès 1934, André Malraux et un militaire breveté d'état-major, Pierre Jacquot, tous deux « colonels » dans la Résistance AS.

- Originalité du recrutement : tous les soldats y sont engagés volontaires ; à 60 % ils ont l'expérience de la Résistance, 50 % d'entre eux viennent des maquis et 80 % sont des Alsaciens et/ou Lorrains.

- Originalité de son statut : « indépendante », non endivisionnée, cette unité est rattachée directement au général de Lattre qui en dispose selon les circonstances, d'où son nom de « brigade », son effectif (plus de 1 500 hommes) étant celui d'un régiment. Au sens strict, on devrait parler de la BIAL (pour Brigade indépendante Alsace-Lorraine), mais l’usage historique a retenu l’abréviation BAL.

Ces trois particularités sont le résultat d'une histoire singulière esquissée dans la notice accompagnant la carte des GMA, FFI d'Alsace.

Il faut fédérer sous un même commandement militaire les énergies de tous ; Londres a promis d'envoyer un chef militaire attendu dès juillet, mais non arrivé fin août. Antoine Diener-Ancel, chef d'un maquis AS en Dordogne, a recruté près de 500 hommes, regroupés dans la Légion Alsace-Lorraine, pour participer à la libération de Périgueux et d'Angoulême. Il a forcé l'estime des instructeurs du SOE et a contacté un  colonel Berger (Malraux) pour avoir des armes. Ancel suggère alors à Bernard Metz de confier ce commandement soit à Berger soit au colonel Édouard, d'un maquis AS de Corrèze, Pierre Jacquot, lieutenant-colonel d'active  breveté d'état-major, que le projet convainc et qui a « travaillé » avec Malraux. Entre-temps, dans le Lot, Edmond Fischer a présenté à Bernard Metz André Chamson sur le point de rejoindre de Lattre qui s'engage à convaincre ce dernier de la qualité du projet de cette unité particulière et à obtenir camions et uniformes.

Le 6 septembre 1944 en Corrèze, Metz, Jacquot et Malraux, se mettent d'accord sur un commandement double de cette unité ; les chefs de l'ORA mis en confiance par Metz et Jacquot signent les ordres de missions militaires des unités maquisardes du GMA Sud -Ouest. 

Le 16 septembre 1944, à Dijon, la BAL est officiellement rattachée au général de Lattre. André Malraux en est le commandant, Pierre Jacquot est son second, chargé de la stratégie et de la tactique, André Chamson fait la liaison avec l’état-major du général de Lattre.

Dès mi-septembre, la BAL se compose de trois bataillons ; aux bataillons Strasbourg, commandé par Antoine Diener-Ancel, et Metz, commandé par Charles Pleis, fédérant les Alsaciens-Lorrains de Toulouse-Tarbes-Figeac, s'adjoint le bataillon Mulhouse, commandé par René Dopff, constitué à Annecy avec l'aide d’Octave Landwerlin, regroupant des Alsaciens-Lorrains réfugiés et souvent maquisards en Savoie. Chaque bataillon est divisé en compagnies d'une centaine d’hommes.

La BAL est engagée en bloc  pour l'épreuve du feu, puis ses bataillons, voire quelques compagnies, sont dispersés pour des renforts d'unités de la 1ère Armée selon les besoins estimés par le général de Lattre. Cette dispersion explique les nombreuses localisations d'engagement en Alsace du sud dans le triangle Belfort-Altkirch-Dannemarie. 

Quatre temps forts marquent l'engagement de la BAL au cours de la libération des Vosges et de l'Alsace:

 - les combats des Vosges qui sont pour la majorité des soldats de la BAL l'épreuve du feu, de septembre à mi-octobre 1944.

- les combats pour la percée de la trouée de Belfort et la libération de Dannemarie du 23 au 29 novembre 1944.

- la défense de Strasbourg du 5 décembre 1944 au 3 janvier 1945. 

- la garde au Rhin du fort Hoche au sud de Strasbourg au parallèle de Benfeld du 3 janvier au 1er mars 1945.

Le baptême du feu pour la majorité des soldats qui n'ont fait ni service militaire ni la campagne de 1940, commence dans les Vosges, entre Remiremont et les Hauts de la Parère où les troupes ennemies tiennent les crêtes et les cols qui permettent de gagner l'Alsace. Le 27 septembre 1944 au soir, la BAL monte en ligne en appui du CC 1 (Combat Command) de la 1re DB du général Sudre ; la compagnie Verdun du bataillon Strasbourg, la première engagée, sous le tir des mortiers, a très vite 5 tués et 6 blessés; certains sont encore en tenue de maquis, short et béret, l'armement est hétéroclite ; les casques n'arrivent au PC de la BAL à Froideconche que le 2 octobre au soir ; au cours de la distribution, le premier officier, Adelphe Peltre, est tué. 

Les compagnies des trois bataillons se relaient pendant trois semaines pour libérer les vallées de la Moselle et de la Moselotte ainsi que le piémont.  L'unité est éprouvée : en douze jours, 32 tués enterrés à Froideconche et des blessés nombreux, dont le colonel Jacquot. Alors le mauvais temps, le retard des approvisionnements venant du sud, le déplacement vers l'ouest des Américains obligeant à élargir le front des unités françaises, expliquent la décision du général de Lattre de l'arrêter le 17 octobre à midi. La BAL est mise en réserve, cantonne autour de Remiremont, l'instruction militaire commence et l'équipement devient plus homogène. 

Après la libération de Montbéliard, de Lattre peut enfin entrer en Alsace ; c'est alors qu'il rappelle la BAL dès le 23 novembre pour établir et garder un couloir dans les bois de part et d'autre de la route Courtelevant-Seppois où s’agglutinent les convois de la 1ère Armée, avançant péniblement vers l’Alsace. 12 convois ont pu passer sur la seule route libre à l’entrée de l’Alsace, au prix pour la BAL de 8 blessés.

Le 25 novembre, l'émotion est grande: tous les hommes entrant dans Seppois, premier village alsacien libéré (avec la contribution du GMA suisse du commandant Georges) entonnent « Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine», certains descendent des véhicules pour embrasser la terre, une vieille femme les entendant parler s'étonne que « les Américains aient appris l'alsacien ! »

Le colonel Schlesser commande le CC 4 de la 5e DB, chargé de la libération de Dannemarie. Il a assigné au bataillon Strasbourg, ainsi qu’à un détachement du 2e régiment de marche de la Légion étrangère (RMLE), au départ de Carspach, le rôle d’infanterie d’accompagnement des chars, avec pour mission : « Soutien de chars sur l’axe principal Altkirch-Dannemarie ainsi que sur les routes nord-sud convergeant vers cette localité. »

- 26 novembre : libération préalable de Ballersdorf et Hagenbach. Deux compagnies de chacun des trois bataillons y contribuent et ce n'est qu'à 16 h que Ballersdorf est libéré ; dans la soirée, arrivent en renfort à Ballersdorf, devenue base principale de départ de l'attaque du lendemain, les compagnies Donon (Dopff), Kleber (Pleis), Bark (Ancel).

- 27 novembre : Libération de Dannemarie. Les colonels Berger et Jacquot sont venus aux avant-postes très tôt; Malraux a évoqué l'attente sur le sol gelé au petit matin de « ses hommes ». Vers 7 h 30, commence un pilonnage des défenses ennemies dans Dannemarie. Peu après les chars partent à l’attaque, protégés par des éléments du RMLE avec pour objectif l’usine à l’entrée est de la ville, cependant que les compagnies de la BAL convergent, du nord-ouest au sud-ouest, vers Dannemarie ; les compagnies Bark et Valmy se rejoignent à l’entrée nord-est, la compagnie Donon y entre par le sud. Vers midi, les Français arrivent près de l’église et font sauter les derniers bastions ennemis. Fin du « nettoyage» vers 16 h. Dannemarie est libéré ! L'offensive a coûté la vie à 13 brigadistes, il y a de nombreux blessés mais aussi plus de 700 prisonniers en deux jours de combat. 

5 décembre 1944-janvier 1945 : L'honneur de défendre Strasbourg.

Dès le 30 novembre 1944, le maire de Strasbourg, Charles Frey, avait demandé à de Lattre d’envoyer à Strasbourg « par ex. des brigades alsaciennes ». Les Alliés rappellent les troupes américaines et la 2e DB vers le front des Ardennes ; Strasbourg libérée dix jours plus tôt n'ayant pour toute défense que les FFI du commandant François, de Lattre décide d'y envoyer la BAL, unité dont il a éprouvé la combativité et dont la composition (80 % d'Alsaciens-Lorrains) doit assurer une proximité très grande avec les Strasbourgeois. La poche de Colmar étant toujours tenue par l'ennemi, on contourne les Vosges jusqu'au col de Saverne. Du 6 décembre 1944 au 3 janvier 1945, la BAL se déploie à la fois dans la ville et dans les villages alentours ; la proximité avec la population est chaleureuse. La « trêve » de Noël n'est trompeuse que pour les plus jeunes et les chefs, qui l'apprécient, savent que la guerre n'est pas finie.

- Janvier-février 1945 : La garde sur le Rhin.

. Le 31 décembre, l'ennemi lance une seconde contre-attaque « Nordwind » : sept divisions attaquent entre Sarreguemines et Bitche en direction de Strasbourg ; le 3 janvier, de Gaulle obtient d’Eisenhower et Churchill de confier la défense de Strasbourg à la 1ère Armée. La BAL est alors en charge de la rive alsacienne du Rhin, du port sud à Benfeld.

 Le 7 janvier, depuis Colmar, l'ennemi lance une offensive sur Strasbourg entre le Rhin et l'Ill. Sur le sol gelé, les blindés allemands progressent vers le pont de Krafft. Les compagnies Valmy et Verdun du bataillon Strasbourg, de garde à Gerstheim, doivent (ainsi que la 2 compagnie du bataillon de marche BM 24, de la 1ère DFL du général Garbay au sud, à Obenheim) empêcher ou au moins retarder la remontée de trente chars ennemis vers le pont de Krafft, que défend le bataillon de marche BM 21. La destruction du pont par le Génie bloque la progression des chars et de l'infanterie ennemis. Mais dans Gerstheim encerclé, l'armement est rudimentaire : des fusils mitrailleurs, un seul bazooka pour 180 hommes, aucune artillerie et pas de liaisons radio, un câble téléphonique vers le BM 24, mais qui est coupé, rétabli, puis définitivement coupé. Complètement isolés, à cours de munitions au bout de 48 h, les hommes valides décident de s'exfiltrer vers le Rhin pour rejoindre Plobsheim : dans la nuit, le froid (- 10°) la faim et la fatigue à travers les lignes ennemies et les chenaux du Rhin gelés, l'exfiltration réussit, l'alerte est donnée, la contre-offensive reprend. La BAL déplore 2 morts, 17 blessés faits prisonniers, plusieurs rescapés aux pieds gelés.

Les semaines de garde du Rhin jusqu'à fin février sont moins tragiques grâce à la reprise de l'offensive contre la poche de Colmar dès le 20 janvier, au sud et au nord par la 1ère Armée, à l'ouest par les forces américaines : trois semaines pour venir à bout de l'ennemi.

La mission de la BAL se termine le 15 mars, date de sa démobilisation au sein de la 1ère Armée, à Strasbourg. 

Bibliographie :

  • « Journal de marche de la BAL », in Bulletins de l'Amicale des Anciens, 1948-2000, Archives départementales du Bas-Rhin et Bibliothèque municipale de Mulhouse. Voir aussi la bibliographie des cartes sur La Libération de l’Alsace

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