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Le vignoble alsacien du VIIe au XIXe siècle

Caractéristiques

Auteur et institut Odile Kammerer, CRESAT
Périodes Antiquité / Haut Moyen Âge - Moyen Âge - Époque moderne - Époque contemporaine
Thèmes Paysages - Agriculture et monde rural
CartographeJean-Philippe Droux, CNRS (ARCHIMEDE)
EchelleAlsace
Date de création1958
Date de dernière modification2012
SourceBARTH Médard, Der Rebbau des Elsasses und die Absatzgebiete seiner Weine, 2vol., Strasbourg-Paris, 1958.
Comment citer cette sourceOdile Kammerer, « Le vignoble alsacien du VIIe au XIXe siècle », in Atlas historique d'Alsace, www.atlas.historique.alsace.uha.fr, Université de Haute Alsace, 2012

Notice de la carte

Le vignoble alsacien du VIIe au XIXe siècle

La somme de Médard Barth sur le vignoble alsacien constitue une base de données essentielle pour qui veut étudier cette culture particulière à plus d’un titre. Le travail systématique de dépouillement de M. Barth dans les archives l’a amené à repérer toutes les vignes mentionnées pour la première fois dans les documents et à les présenter par localités en fin de son travail. Il est apparu intéressant de spatialiser ce phénomène pour en découvrir les rythmes de développement et ses relations avec le territoire alsacien, en restant cependant très prudent puisque le message des cartes demeure largement tributaire du travail de M. Barth, lui même tributaire de ses sources.

Toutes les localités où il a repéré la vigne (661 occurrences), ont été portées sur un tableau Excel utilisant la base « Communes » de l’IGN (GEOFLA) en choisissant plusieurs critères permettant de répondre à ces questions : qui plante une vigne, quand et où ? Les données du tableau ont été reportées sur un fond de carte où figurent le réseau hydrographique et les villes/marchés pour voir leur éventuelle corrélation.

Origines du vignoble

Qui plante une vigne ? et, doit-on ajouter, le consigne par écrit ? Les sources dépouillées par M. Barth concernent les vignes ayant fait l’objet d’une donation, d’une vente, d’un échange, celles qui figurent dans un censier etc. Ces vignes « officielles » n’englobent donc pas tout le vignoble, les vignes domestiques sans histoire, et les alleux en pleine propriété, n’ont pas nécessairement toutes laissé de trace dans les archives. Elles constituent cependant une partie de ces vignes mentionnées sans précision d’origine soit 42% des occurrences. Les « fondateurs » mentionnés ont été distingués : les ecclésiastiques, les princes et les villes (carte 1). Que les vignes des religieux l’emportent en nombre et de beaucoup (54%), reflète surtout le prisme des sources ecclésiastiques plus abondantes car mieux conservées. La dispersion observée sur tout le piémont montre bien la recherche d’un bon vin plutôt qu’un vin de proximité autour des abbayes. Le très petit nombre de vignes urbaines tient en grande partie au fait que Barth n’a pas pu dépouiller les archives municipales et hospitalières. La carte sera, à cet égard, à compléter.

Chronologie d’implantation du vignoble

Quand le vignoble a-t-il été planté ? Les tranches chronologiques des mentions relevées par M. Barth ont été déterminées par l’évolution générale des terroirs.

- VIIe - XIe siècles (carte 2) : cette première tranche chronologique qui représente 38% des occurrences, voit l’introduction du vignoble par le nord (Wissembourg sans doute) et correspond au temps de fondations des abbayes accompagnant voire stimulant la réorganisation de l’exploitation des campagnes : passage de la villa (grand domaine) à la seigneurie (Grundherrschaft) et exploitation individuelle (sur laquelle on ne sait pas grand chose). Le vignoble ecclésiastique s’agrandit rapidement et largement grâce aux donations princières et à celles des fidèles soucieux d’assurer leur salut. Le vin ne répondait pas qu’aux seuls besoins liturgiques mais aussi à l’hospitalité pratiquée largement par les établissements religieux. La carte permet d’observer que si les vignes se répartissent sur tout le piémont et une partie du Sundgau, leur densité apparaît plus nettement autour de Ribeauvillé et des collines sous vosgiennes Marmoutier – Saverne – Bouxwiller en corrélation avec la présence de grandes abbayes et le réseau hydrographique. On constate aussi l’implantation d’un vignoble de plaine sur les terrasses du Ried, entre Ill et Rhin.

- XIIe - XIIIe siècles (carte 3) : on observe une nouvelle dynamique (23%). Le temps des villes stimule la circulation et la commercialisation d’un vin dont on cherche un meilleur rendement ; les baux deviennent pérennes et l’argent circule dans les campagnes où une démographie en hausse assure une main d’œuvre abondante. Là encore les abbayes restent en pool position : elles disposent de capitaux pour faire des investissements, peuvent développer de nouvelles techniques et surtout travaillent sur le temps long, à l’abri des partages entre héritiers. Les vallées de Munster (abbaye et proximité de Colmar) ; de la Thur (abbaye de Saint-Amarin/Murbach et proximité de Thann et surtout Bâle) ; le Kochersberg (proximité de Strasbourg) et également de Hochfelden à la haute vallée de la Zorn, (semis urbain sous les Vosges) : tous ces terroirs connaissent une extension notable du vignoble.

- XIVe - XVe siècles (carte 4) : avant la peste de 1347, « le monde est plein » et pour abreuver une population en augmentation constante, répondre à l’appel des marchés et des foires, il faut innover et adapter la production, surtout compléter le maillage en vignes (21% des occurrences). L’intensification au XVe siècle se dessine essentiellement dans les régions moins plantées (le Sundgau) ou à très forte demande (le Kochersberg et les collines sous vosgiennes de l’Alsace septentrionale). Si l’on admet que les vignes mentionnées dès le VIIe siècle n’ont pas disparu au XVe siècle, le vignoble connaît à la fin du Moyen Âge son extension maximale (carte 5).

- Enfin XVIe siècle - XIXe siècles (carte 6) : cette très longue périodisation s’explique par le caractère aléatoire et très lacunaire des données de M. Barth (15% de occurrences). Les reflux ne peuvent être suivis de près : le XVIIe siècle, refroidi et belliqueux, ou le XIXe siècle en surproduction. Des études plus récentes permettront de compléter cette carte. Relevons toutefois le caractère « complémentaire » du vignoble qui se développe dans des secteurs nouveaux : le val de Villé, la région de Sierentz, l’Outre Forêt et la plaine.

- La carte regroupant toutes les périodes (carte 7) met en valeur toutes les localités où a poussé la vigne, à une période ou une autre. M. Barth, en effet, a relevé les mentions attestant sa présence mais ignore, et pour cause, la chronologie de sa disparition. Grosso modo le vignoble dans son extension maximale a été estimé à 30 000 hectares « contre » 12 000 hectares actuels comme la carte 7 permet de l’observer (« vignes et vergers », BD CARTO IGN 2002). Sa caractéristique : la vigne pousse partout sauf sur les sommets ! Elle est présente dans 44% des communes et hameaux actuels.

Vigne et villages disparus

M. Barth mentionne la vigne dans des localités disparues ou hors villages (carte 8), soit 14% des occurrences. Pour cette dernière catégorie (carte 9), on observera qu’il s’agit d’une petite trentaine de lieux et presque tous à proximité d’un cours d’eau. Cette implantation rappelle la recherche systématique d’un vignoble dont le fruit puisse être expédié facilement et à proximité d’un centre de consommation.

La relation entre vigne et localités disparues est un phénomène à étudier : dans quelle mesure le vignoble a-t-il contribué à l’organisation du territoire ? (carte 10). Dans un premier temps et avant analyse plus approfondie, la carte donne à voir une densité plus nette dans le vignoble du piémont, c’est-à-dire la production d’un vin de qualité. La présence de vignes dans les villages disparus, recensés par A. Humm et L. G. Werner qui attribuent le phénomène de la disparition aux grands fléaux de la fin du Moyen Âge et l’attirance des villes, permettent l’hypothèse d’une restructuration du territoire avec économie d’échelle et concentration de la production. Si la communauté villageoise disparaît, rien ne prouve que la vigne suive le même sort et l’implantation du vignoble actuel prouve même le contraire.

Problèmes méthodologiques

Ces cartes sont plus un stimulant à la recherche qu’une galerie de résultats fermes. Le corpus de M. Barth, pour précieux et unique qu’il soit, est non seulement lacunaire, mais imprécis et la raison en est, bien entendu, la nature des sources. Pour étudier le vignoble et son ampleur, il serait, par exemple, nécessaire de connaître la taille des pièces de vigne mentionnées. La chronologie souffre également de l’imprécision des documents : « ancien vignoble » ou « vignoble précoce » (früh Weinbau), parfois « sans date ». Seules mentionnées chez M. Barth, les premières mentions de la vigne ne donnent que la dynamique d’implantation ou d’extension. Pour connaître le reflux et l’abandon de cette même vigne et ainsi pouvoir établir des cartes du vignoble moderne mieux documenté, il faudra compléter par d’autres études (les monographies du vignoble sont nombreuses mais pas exhaustives) et d’autres sources d’archives voire des trouvailles archéologiques.

En l’état actuel des cartes, cependant, la spatialisation de certains phénomènes de société peut faire avancer la recherche. Il est intéressant, par exemple, de rapprocher les cartes (toutes à la même échelle) du vignoble avec les villes/marchés, les confréries, les établissements religieux etc. La carte du vignoble sur la rive droite du Rhin, en préparation sur la base du travail de Karl Müller, offrira un tableau plus cohérent du vignoble de l’Oberrhein.

Bibliographie

  • BARTH Médard, Der Rebbau des Elsasses und die Absatzgebiete seiner Weine, 2vol., Strasbourg-Paris, 1958.
  • WOLFF Christian, « Le vignoble », Histoire de l’Alsace rurale, Société Savante d’Alsace, Istra, Strasbourg, 1983, p. 447-458.