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Le référendum du 7 avril 2013 en Alsace

Caractéristiques

Auteur et institut Richard Kleinschmager, Université de Strasbourg
Périodes Époque contemporaine
Thèmes Élections et partis politiques
CartographeJean-Philippe Droux, CNRS (ARCHIMEDE)
EchelleAlsace
Date de création2013
SourceCarte originale
Comment citer cette sourceRichard Kleinschmager, « Le référendum du 7 avril 2013 en Alsace », in Atlas historique d'Alsace, www.atlas.historique.alsace.uha.fr, Université de Haute Alsace,

Notice de la carte

Le référendum du 7 avril 2013 en Alsace

Le référendum sur la collectivité unique impliquait pour que le nouveau dispositif soit adopté, qu’une majorité d’électeurs dans chacun des deux départements alsaciens vote oui. La majorité de oui sur la région à hauteur de 57,7% des suffrages exprimés a été effacée par la victoire du non dans le Haut-Rhin à 55,7%. 

La carte du vote non par rapport aux suffrages exprimés à l’échelle cantonale est atypique au regard des autres consultations électorales de la Ve République, avec une opposition des plus marquées entre les deux départements alsaciens. Il n’est pas excessif de parler d’un front du refus haut-rhinois. Aucun canton du Haut-Rhin ne s’est appuyé sur un score de plus de 38% des suffrages exprimés alors que 21 cantons sur 44 ont dépassé cette valeur dans le Bas-Rhin. Au-delà de cette opposition globale nord-sud, des nuances sont apparues dans le non qui créent des géographies secondaires qui le nuancent. Dans le Bas-Rhin la faiblesse du non et par conséquent l’adhésion au projet, se structurent très nettement autour d’une vaste zone centrée sur Strasbourg qui recouvre peu ou prou ce qui pourrait apparaitre comme l’espace strasbourgeois élargi, du canton de Barr à celui de Haguenau et de Strasbourg au canton de Molsheim. Dans cet espace, les liens avec Strasbourg sont maximisés notamment par la mobilité quotidienne de travail. Il s’y produit probablement des affinités plus marquées avec la métropole que dans les zones plus éloignées, au-delà des quelques trente kilomètres qui séparent Strasbourg de Haguenau ou de Barr. Sur Strasbourg même s’opère une différenciation de l’adhésion au projet entre les cantons plus bourgeois, centre-ville, quartier des XV-Orangerie et Robertsau qui connaissent les scores les plus faibles du non de toute la région, les quartiers Gare et Meinau dotés des mêmes valeurs de vote que le vaste espace péri-strasbourgeois et les quartiers traditionnellement plus populaires et plus marqués à gauche, Hautepierre- Cronebourg, Montagne Verte- Koenigshoffen, Esplanade- Krutenau, Neudorf et Neuhof- Port du Rhin. Dans le cas de la ville de Strasbourg, l’opposition droite/gauche a été largement reconstituée à l’occasion de ce vote. Par ailleurs, et de manière remarquable, le grand espace péri-strasbourgeois est encadré au nord et au sud par une succession de cantons aux valeurs du non majorées. Au nord, un seul canton fait exception, celui de la Petite-Pierre dont le conseiller général n’est autre aujourd’hui que Louise Richert, l’épouse de Philippe Richert, enfant du pays et porteur principal du projet. Dans cet arc de cantons du nord, douze cantons dépassent 32,11% de non avec une zone d’accentuation frontalière au nord-est, dans les trois cantons de Bischwiller, Seltz et Soultz-sous-Forêts. Au sud du département, un arc de cercle d’accentuation du non encadre les cantons d’Obernai, Barr et Rosheim. Les valeurs du non y sont majorées sur Benfeld et Marckolsheim à l’est, et la vallée de la Bruche avec les cantons de Schirmeck et Saales à l’ouest. Cette couronne du sud du département amorce une continuité avec les valeurs constamment supérieures à 38,6% des suffrages du Haut-Rhin. 

Dans ce département, la carte du non a laissé entrevoir une distribution géographique singulière. Les valeurs extrêmes du non sont concentrées sur les deux cantons colmariens. Le refus des électeurs de la préfecture du Haut-Rhin de voir se substituer une nouvelle collectivité est explicite et l’engagement de faire de la Colmar le siège de l’exécutif de la nouvelle collectivité n’aura pas suffi. Au nord de Colmar, les cantons du piémont et du vignoble, de Ribeauvillé à Rouffach, comme celui d’Andolsheim sont dans une opposition modérée au projet. Cette opposition est accentuée dans une large zone occidentale, comprenant les principales vallées vosgiennes, de Lapoutroie à Masevaux, mais aussi le Sundgau où le canton de Hirsingue se distingue par une plus forte valeur du non. L’intensité de l’opposition au projet de cette zone se poursuit en plaine jusqu’à la bordure orientale du département constituant un bloc massif d’opposition forte au projet entre Colmar et Mulhouse et recouvrant l’essentiel des zones productives industrielles et donc ouvrières du département. Mulhouse à l’exception du canton nord qui se place dans les mêmes valeurs que celle de ce bloc, amorce une zone d’opposition plus modérée au projet, englobant le canton central du Sundgau, Altkirch mais aussi ceux de Habsheim, Sierentz et Huningue soit autant de cantons où l’emploi frontalier est notoirement important. Le niveau de vie favorisé par la migration frontalière est sans nul doute un facteur explicatif de différenciation avec les autres cantons du bloc central qui ont été massivement touchés par la crise économique et où le Front National a, au cours des dernières décennies, progressivement conquis du terrain comme dans le canton nord de Mulhouse, l’un de ses fiefs.

Au total, la carte du non illustre puissamment le clivage nord/sud caractéristique de cette opposition au projet de nouvelle collectivité territoriale alsacienne, avec un rejet massif de la disparition de la structure départementale, rejet poussé à l’extrême dans le chef-lieu du département du Haut-Rhin comme si la sédimentation bi-séculaire de la structure départementale constituait une protection plus nécessaire au sud qu’au nord, comme si sa disparition était plus inquiétante au sud qu’au nord.

Carte de la participation

La ratification du projet de collectivité unique par le référendum, outre une majorité de oui dans les deux départements avait une seconde clause drastique et peu usuelle dans les consultations électorales, à savoir une participation d’au moins 25% des électeurs inscrits. Ce taux n’a été réalisé ni dans le Haut-Rhin où 20,1% seulement des électeurs inscrits se sont déplacés ni dans le Bas-Rhin dont 22% des électeurs inscrits ont déposé un bulletin dans l’urne.

La différenciation Haut-Rhin/Bas-Rhin si nette dans la carte du non est pratiquement estompée s’agissant de la participation. La plupart des valeurs exprimant celle-ci se diffuse dans les deux départements selon des logiques qui ne recoupent pas les termes oui ou non, du choix électoral, même si globalement les zones de participation supérieure à la moyenne semblent plus larges dans le Haut-Rhin que dans le Bas-Rhin. La mobilisation en faveur du non ne s’accompagne pas d’une participation nettement majorée. Ainsi les deux cantons de Colmar se situent-ils dans une valeur moyenne de participation alors que dans le canton d’Andolsheim qui les jouxte, elle est la plus élevée de tous les cantons de la région. Les zones de faiblesse de la participation apparaissent très concentrées sur Strasbourg et Mulhouse. Les cantons non métropolitains avec des valeurs inférieures à la moyenne, Bischwiller et Schirmeck dans le Bas-Rhin, Sainte-Marie-aux-Mines dans le Haut-Rhin ont des caractéristiques sociologiques proches marquées par les anciennes traditions industrielles et ouvrières mais aussi par un vote de gauche et, à l’occasion, des votes Front National non négligeables. Le large espace péri-strasbourgeois du oui ainsi que les deux pinces de tenaille de moindre adhésion au nord et au sud du Bas-Rhin sont morcelées en participation moyenne et supérieure à la moyenne tandis que la faible participation est concentrée sur Strasbourg. Tous les cantons de la ville ainsi que ceux d’Illkirch-Graffenstaden, Bischheim et Schiltigheim, ont enregistré une participation nettement inférieure à la moyenne régionale. Ces cantons recouvrent les zones d’implantation majeure du PS dont les conseillers généraux avaient majoritairement appelé à s’opposer au projet. Les électeurs ont choisi l’abstention ou l’indifférence. Les deux cantons qui font exception, ceux de la Robertsau et du quartier des XV, étaient aussi parmi les plus favorables au projet et sont représentés pour le premier par un conseiller général UMP, Yves Le Tallec et le second par un conseiller général PS, Olivier Bitz qui avait opté pour le oui. Dans le nord du département, la zone de non accentué est morcelée du point de vue de la participation. Elle augmente sur la Petite-Pierre, Seltz, Lauterbourg et Woerth dont le conseiller général est Guy-Dominique Kennel, président du Conseil général. Au centre du département Hochfelden, les cantons de Truchtersheim, Wasselonne, Marmoutier constituent une zone de participation plus marquée, séparée de celle de Rosheim, Barr et Villé par le canton de Molsheim où la participation est légèrement plus faible. Dans l’ensemble du Bas-Rhin, la valeur moyenne de participation entre 33,4% et 39,6% est prégnante puisqu’elle concerne 19 cantons sur 44. 

Dans le Haut-Rhin s’étendent deux zones transversales ouest-est de vote supérieur à la moyenne régionale au nord, de Ribeauvillé à Ensisheim, zone trouée en son centre par une moindre participation dans les deux cantons colmariens. Jouxtant ceux-ci, le canton d’Andolsheim enregistre le record régional de participation la plus élevée avec 45,9% de participation. Au sud, de Masevaux à Ferrette, s’étend une seconde zone homogène haut-rhinoise de même intensité de participation supérieure à la moyenne. Ces deux zones sont séparées par une bande centrale de participation moyenne inférieure à 39,6% de participation, de Saint-Amarin à Huningue, coupée à la hauteur de Mulhouse par le canton de Wittenheim et les trois cantons nord, est, ouest mulhousiens dont la participation se situe en dessous de la valeur moyenne régionale, rejoignant le seul autre canton haut-rhinois dans ce cas, celui de Sainte-Marie-aux-Mines. Seul le canton sud de Mulhouse se situe dans les valeurs moyennes de participation de la bande transversale Saint-Amarin- Huningue.

Au final, il ressort que la carte de la participation a ses caractéristiques propres par rapport au choix du non ou du oui, même si tendanciellement les zones du non sont davantage participantes que celles du oui, avec globalement une participation de 37,2% dans le Haut-Rhin contre 35,1% dans le Bas-Rhin. L’autre clivage géographique est celui de l’opposition des zones urbaines centrales de Strasbourg et Mulhouse au reste de la région en ce qui concerne la participation. Elles cristallisent des pics d’abstention – 77% à Mulhouse-Ouest, 80% à Cronenbourg-Hautepierre ! – qui font contraste avec les cantons ruraux, y compris ceux qui sont proches de Mulhouse comme Habsheim ( 64% d’abstention) ou Ensisheim (60%) ou de Strasbourg comme Geispolsheim (65%) ou Mundolsheim (62,5%). Les électeurs des villes connaissent mal leur conseiller général. Ils se sont davantage abstenus quand il s’est agi de fondre la structure départementale dans une nouvelle collectivité.

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