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La population étrangère en Alsace (1851-1999)

Caractéristiques

Auteur et institut Yves Frey, Marie-Claire Vitoux, CRESAT (UHA)
Périodes Époque contemporaine
Thèmes Peuplement - Démographie et société
CartographeJean-Philippe Droux, CNRS (ARCHIMEDE)
EchelleAlsace
Date de création2007
Date de dernière modification2008
SourceCarte originale
Comment citer cette sourceYves Frey, « La population étrangère en Alsace (1851-1999) », in Atlas historique d'Alsace, www.atlas.historique.alsace.uha.fr, Université de Haute Alsace, 2008

Notice de la carte

La population étrangère en Alsace (1851-1999)

La population étrangère en Alsace en 1851

Le recensement de 1851 est le premier en France à répertorier systématiquement les étrangers. Par ailleurs, il est le seul de tous les recensements précédant l’annexion de 1871 à distinguer les cantons.

Certes, cette cartographie de la présence étrangère en Alsace au milieu du XIXème siècle donne à voir… peu de choses : impossible de cartographier la répartition des nationalités, les différences hommes-femmes, les professions. 

Les sources (pour le Bas-Rhin, conservées aux archives départementales sous la côte VII 214-215 : pour le Haut-Rhin, Statistiques de la France, mouvements de la population pendant les années 1858,1859 et 1869, conservées à la Bibliothèque universitaire de la Société industrielle de Mulhouse, côte 1924) donnent les chiffres par arrondissements. Le Haut-Rhin compte trois arrondissements, le Bas-Rhin quatre. Celui de Belfort sera fortement modifié après 1871 et le détachement du futur Territoire de Belfort (officialisé en 1924) laissé à la France par le Traité de Francfort. Par ailleurs, toujours dans le Haut-Rhin, le canton d’Altkirch englobe la ville industrielle et populeuse de Mulhouse, où la sous-préfecture ne viendra s’installer qu’en 1857.

Si le premier recensement des étrangers date de 1851, la cartographie montre à l’évidence que le phénomène migratoire est largement antérieur et explique pour partie le formidable accroissement démographique que connaît l’Alsace depuis 1801 : la région  passe d’une population de 754 011 habitants à 1 081 581 un demi-siècle plus tard. L’accroissement démographique du Bas-Rhin est de 30, 47% et celui du Haut-Rhin de 62,66%. 

Deux phénomènes migratoires se sont combinés pour alimenter cette hausse démographique. En tant que zone frontière et zone de culture allemande, l’Alsace a accueilli les réfugiés politiques qui ont, dans les années 1820, 1830 et en 1849-1850, participé aux mouvements nationalitaires dans les différents Etats de la confédération germanique. Plus importante numériquement, la migration de travail a fait affluer une main d’œuvre suisse et allemande venue chercher de l’emploi dans les manufactures, particulièrement à Mulhouse et alentours, ce qui explique le différentiel de rythme de croissance entre les deux départements. 

On notera par ailleurs la faible pénétration des étrangers dans les vallées vosgiennes : ceux-ci se concentrent dans les villes administratives de Colmar et de Strasbourg et dans la ville industrielle de Mulhouse (canton d’Altkirch). 

Au nord, la région de Wissembourg connaît une présence allemande importante et ancienne (les Allemands y représentent 87% des étrangers), tout comme le Sundgau (au sud du département du Haut-Rhin) est marqué par une forte  présence suisse : les frontières sont restées poreuses et les courants migratoires dans les deux sens sont anciens.

Au total, dans les quinze années qui suivirent le recensement de 1851, l’évolution générale des migrations augmenta la différence enter les deux départements alsaciens : alors que le Bas-Rhin est et reste plus peuplé que le Haut-Rhin, le nombre des étrangers est plus important dans le second  et l’écart se creuse : en 1851, les étrangers sont 11 716 dans le Bas-Rhin et 12 462 dans le Haut-Rhin, alors qu’ils sont respectivement 15 402 et 21 063 en 1866.


La population étrangère en Alsace dans l’entre-deux guerres (1921-1936)

Les cartes sont construites à partir des données des recensements de population. Elles visent à montrer la répartition de la population étrangère en Alsace par arrondissements, ce qui permet d'arriver à une relative précision.  Les classes des légendes sont communes à toutes les cartes. Elles permettent donc à la fois de comparer la répartition à des dates différentes ainsi que de suivre et de mesurer l'évolution

Les étrangers en Alsace en 1921

Depuis deux ans, l’Alsace est de nouveau française, mais les années d’annexion marquent encore fortement la composition de la population alsacienne.

L’arrondissement de Strasbourg-ville est celui qui compte le plus grand nombre d’étrangers, suivi de celui de Mulhouse. Cependant les raisons en sont différentes. A Strasbourg-ville, ancienne capitale du Reichsland, les Allemand(e)s – non expulsés car ayant le plus souvent formé des couples mixtes avec des Alsacien(ne)s – sont très largement majoritaires. A Mulhouse au contraire, moins d’Allemands mais des Suisses et déjà des Italiens, les Suisses plutôt dans le secteur agricole et domestique, les Italiens davantage dans l’industrie. La situation frontalière rend compte de la présence helvétique, mais pour les Italiens faut-il y voir la permanence d’un courant migratoire remontant au Moyen-Age qui, à partir de l’ouverture du passage du Saint-Gothard, voyait les Transalpins rejoindre à travers la Suisse, le fossé rhénan ?

Les autres arrondissements, notamment du centre de l’Alsace, comptent peu, voire très peu d’étrangers. Les Allemands restent nombreux à Strasbourg-campagne (solidaire de Strasbourg-ville), à Wissembourg (implantation traditionnelle) ainsi qu’à Colmar (seconde ville administrative du Reichsland après Strasbourg). Les arrondissements industriels du sud (Thann et Guebwiller qui s’ajoutent à celui de Mulhouse) recommencent à faire appel à une main-d’œuvre immigrée comme durant le XIXème siècle. Ce ne sont plus les Allemands ou les Autrichiens du Tyrol, devenus indésirables depuis la guerre, mais de nouveaux venus, Italiens principalement.

Les étrangers en Alsace en 1931

Malgré quelques départs survenus dès le second semestre 1930, le recensement de 1931 est celui qui permet d’avoir la représentation la plus précise de la répartition des étrangers au moment de leur plus grand nombre pendant l’entre-deux-guerres. En l’espace de dix ans, la situation a évolué sans s’être radicalement transformée. Le premier changement est quantitatif : au lieu de six arrondissements en 1921, il n’y en a plus que quatre à connaître un pourcentage d’étrangers inférieur à 2,2 %. En effet les arrondissements de Molsheim et Ribeauvillé rejoignent ceux de Colmar, Strasbourg-campagne et Wissembourg. Il s’agit d’une immigration de travail qui ne concerne pas les Allemands. Ces étrangers se concentrent essentiellement à Molsheim (usine Bugatti) et à Sainte-Marie-aux-Mines (textile). Cependant le changement le plus important est qualitatif : les étrangers viennent en Alsace compléter les bataillons de la main-d’œuvre industrielle.  

Désormais le sud du Haut-Rhin fait tâche alors que Strasbourg-ville s’éclaircit  du fait de la diminution du nombre d’Allemands qui se font naturaliser et/ou qui décèdent. L’industrie textile, mécanique et chimique, le tryptique haut-rhinois, ainsi que le bassin potassique véritablement mis en exploitation à partir de 1921, font appel aux Italiens, aux Polonais (surtout dans le bassin potassique), aux Tchécoslovaques, notamment. Les Suisses reviennent également surtout dans le sud du Haut-Rhin (arrondissements d’Altkirch et de Mulhouse) occuper principalement des emplois agricoles (vachers du Sundgau) et domestiques.

Les étrangers en Alsace en 1936

La carte s’éclaircit. Partout en Alsace, la décrue est sensible. La crise est passée par là. Les arrondissements industriels du sud ont vu une grande partie de leur population étrangère devoir quitter de gré ou de force, leur emploi. A Molsheim, les étrangers ont pratiquement disparu du fait des énormes difficultés de Bugatti. L’évolution est très sensible pour l’arrondissement de Guebwiller sur lequel se trouvent les mines de potasse de Kali-Sainte-Thérèse qui licencièrent en masse et renvoyèrent leur main-d’œuvre étrangère dans des proportions nettement supérieures aux Mines Domaniales (MDPA), établies elles sur les arrondissements de Mulhouse et Thann. 

Le Bas-Rhin compte de moins en moins d’étrangers et dans des proportions très faibles. L’arrondissement de Strasbourg-ville continue, pour les raisons indiquées précédemment, à voir diminuer sa population allemande.

Evolution de la population étrangère en Alsace 1921-1936

L’immigration étrangère en Alsace durant l’entre-deux-guerres présente quatre caractéristiques principales.

  • Une augmentation quantitative pendant les années vingt (essentiellement de 1924 à 1929), suivie d’un ralentissement et même d’un écroulement dans les années trente, du fait de la crise d’une part et des menaces de guerre qui entraînent le départ volontaire ou pas (arrestations, internement qui frappent Allemands et Italiens) des étrangers.
  • Une diminution continue du nombre des Allemands, encore très nombreux au début des années vingt, surtout à Strasbourg, ancienne capitale du Reichsland, et dans l’arrondissement de Wissembourg. Sans nouvelles arrivées, les naturalisations et les décès les font disparaître peu à peu de la population alsacienne.
  • L’arrivée de nouvelles populations, Italiens, Polonais notamment, qui viennent travailler dans les usines et le bassin potassique du Haut-Rhin. Les arrondissements de Mulhouse, Thann  et Guebwiller se détachent très nettement. Cette présence étrangère dans le sud de l’Alsace reste une caractéristique importante de la démographie alsacienne jusqu’à la fin du XXème siècle.
  • Les arrondissements de Saverne et du centre de l’Alsace sont très peu concernés. Régions encore rurales, dotées de petites villes qui n’ont pas de grande fonction administrative, les Allemands s’y étaient peu établis durant l’annexion ; sans industrie importante (sauf Molsheim), les nouvelles immigrations de main-d’œuvre ne les concernent pas.  Dans cet ensemble, l’arrondissement de Haguenau présente une spécificité. Le chef-lieu, ville moyenne, comportait des Allemands dans sa population et a connu également l’arrivée de travailleurs étrangers. Cependant la partie occidentale de l’arrondissement, forestière et rurale minore les statistiques.

La population étrangère en Alsace après la seconde guerre (1962-1999)

Les cartes sont construites à partir des données des recensements de population. Elles visent à montrer la répartition de la population étrangère en Alsace par arrondissements, ce qui permet d'arriver à une relative précision.  Les classes des légendes sont communes à toutes les cartes. Elles permettent donc à la fois de comparer la répartition à des dates différentes ainsi que de suivre et de mesurer l'évolution

Avec la seconde guerre, l’Alsace a vu sa population étrangère très fortement diminuer. L’Alsace n’est plus alors une région d’immigration. Cependant la fin des années cinquante voit une reprise économique : l’industrie, le bâtiment, les Travaux Publics (canal du Rhin par exemple) manquent de bras. En 1962, la population étrangère est essentiellement une population de travailleurs, ouvriers et surtout manœuvres, avec toujours des Italiens, des Polonais, des Espagnols, mais aussi de nouveaux arrivés, les Nord-Africains, Algériens principalement, désignés par l’appellation officielle de "Français musulmans".

La population étrangère se concentre alors dans les trois arrondissements industriels (Mulhouse, Thann et Guebwiller) du Haut-Rhin et déborde un peu sur celui, de Colmar. Le Bas-Rhin ne compte, à l’exception de Strasbourg-ville, que très peu d’étrangers. Le cas de Strasbourg-ville est très intéressant. Il ne s’agit plus de population allemande, mais de populations variées. L’élan est donné par la création du Conseil de l’Europe (qui regroupe la France, le Royaume-Uni, le Benelux, l’Irlande, le Danemark, l’Italie, la Norvège, la Suède et très vite la Turquie et la Grèce à la fin 1949 et la RFA en 1950) le 5 mai 1949 à Londres et achevé par la signature du traité de Rome le 25 mars 1957 (France, Italie, RFA et Benelux).

A partir de 1962, l’Alsace connaît une augmentation régulière de sa population étrangère, comme en témoignent les cartes de 1975 et 1999. C’est à partir de 1975 que l’Alsace redevient une région d’immigration. La principale évolution concerne le rééquilibrage entre les deux départements. Le Bas-Rhin compte de plus en plus d’étrangers tandis que le Haut-Rhin connaît au contraire une diminution. Cette évolution traduit deux  modifications, d’une part dans l’origine géographique plus variée surtout dans le Bas-Rhin, d’autre part dans la nature de l’immigration, celle du regroupement familial et des réfugiés politiques. Strasbourg représente aujourd’hui un très fort pôle attractif, notamment pour les populations turques et celles de l’Europe de l’est. Le Haut-Rhin au contraire regroupe bon nombre des Maghrébins. 

La dernière caractéristique concerne le retour des Allemands et des Suisses qui s’installent essentiellement dans la zone frontière, attirés par le prix du foncier. Les allemands représentent aujourd’hui la deuxième nationalité présente en Alsace après les Turcs.

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