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La répartition religieuse en Alsace en 1851

Caractéristiques

Auteur et institut Nicolas Stoskopf, UHA (CRESAT)
Périodes Époque contemporaine
Thèmes Cultes
CartographeJean-Philippe Droux, CNRS (ARCHIMEDE)
EchelleAlsace
Date de création2013
SourceCarte originale
Comment citer cette sourceNicolas Stoskopf, « La répartition religieuse en Alsace en 1851 », in Atlas historique d'Alsace, www.atlas.historique.alsace.uha.fr, Université de Haute Alsace,

Notice de la carte

La répartition religieuse en Alsace en 1851

Les cartes religieuses de 1851 portent la marque du passé, en l’occurrence pour les catholiques et les protestants, celle de la répartition des religions en 1648, deux siècles plus tôt, au moment des traités de Westphalie : il y a encore des territoires catholiques et des territoires protestants aux identités bien marquées. De plus, l’Alsace reste la région de France où le poids des minorités protestantes (23,2 % de la population) et israélites (3,3 %) est le plus important, au point que 32,3 % des protestants et 48,4 % des israélites français vivent en Alsace. Il n’empêche que les catholiques ont gagné du terrain depuis 1648, et parfois évincé les protestants de certains territoires. 

Deux séries de cartes permettent de visualiser cette répartition : en pourcentage de la population dans chaque commune et en valeur absolue. Pour ces dernières, trois échelles ont été retenues : une pour les catholiques et luthériens, une pour les israélites et réformés, une enfin pour les anabaptistes. Les pourcentages sont surtout intéressants pour les deux confessions dominantes, catholiques et luthériens, car ils permettent de s’affranchir des variations de populations communales. Au contraire, la répartition en valeur absolue est plus lisible pour les minorités, israélites, réformés et anabaptistes. La combinaison des deux séries, avec leurs avantages et leurs inconvénients, permet d’optimiser le traitement cartographique de la source

Les catholiques

Les bastions catholiques issus du passé restent bien visibles : possessions des Habsbourg et de l’abbaye de Murbach dans le Haut-Rhin où les catholiques représentent 86,6 % de la population ; territoires du prince-évêque de Strasbourg, des villes libres de Sélestat ou de Haguenau dans le Bas-Rhin (où ils ne sont que 65,4 %). Mais le fait nouveau est la diffusion de la présence catholique sur l’ensemble du territoire à l’exception du nord de la région et de quelques communes éparses, avec parfois des contrastes très marqués, comme par exemple dans le Kochersberg à l’ouest de Strasbourg, où des villages catholiques à 100 % voisinent avec des villages protestants à 70 ou 80 %. 

Cette poussée catholique est le résultat de deux phénomènes qui se sont succédé dans le temps : le premier est une politique royale de pénétration française et de reconquête religieuse s’épaulant mutuellement, menée avec une rigueur particulière entre la révocation de l’Edit de Nantes en 1685 et le traité de Ryswick en 1697 qui confirme à nouveau les libertés des protestants. Plusieurs méthodes sont utilisées : l’une des plus efficaces est l’introduction du simultaneum, c’est-à-dire l’attribution du chœur des églises dès que sept familles catholiques sont présentes dans le village, qui concerne au total 160 églises en Alsace ; localement, là où les pouvoirs locaux sont faibles, la pression est nettement plus forte et peut même être exercée par des militaires : de nombreux villages du Ried, au nord et au sud de Strasbourg, où cantonnent les troupes chargées de la garde du Rhin, subissent « un traitement particulièrement impitoyable » (Henri Strohl) au point que le protestantisme est totalement évincé. Davantage que par des conversions (8 000 en un siècle), la poussée catholique s’explique par la natalité et les migrations. Dans le diocèse de Strasbourg, le rapport entre catholiques et protestants, qui était de trois pour deux en 1670, est de trois pour un en 1770. En 1750, les catholiques deviennent majoritaires à Strasbourg. 

Le second phénomène est celui d’une croissance urbaine alimentée par des migrations qui est particulièrement sensible dans les villes industrielles, protestantes à l’origine, mais où les catholiques, qui forment l’essentiel de la population ouvrière, sont devenus majoritaires (Mulhouse, Sainte-Marie-aux-Mines et même Colmar), alors que le protestantisme résiste mieux à Bischwiller ou à Barr. 

Les luthériens

Les luthériens restent majoritaires dans quelques territoires où la résistance a été suffisamment vigoureuse pour s’opposer à la reconquête catholique : la trace en filigrane des anciens comtés de Nassau-Sarrewerden, de La Petite-Pierre, de Hanau-Lichtenberg, du territoire de Munster en Haute-Alsace, est encore bien visible sur la carte. Si l’on raisonne en fonction des entités administratives issues de la Révolution française, les luthériens sont majoritaires dans quatre cantons : Bouxwiller (83 %, dont le chef-lieu est l’ancienne capitale du comté de Hanau-Lichtenberg), Drulingen (72 %), La Petite-Pierre (60 %) et Munster dans le Haut-Rhin (63 %). Ils représentent encore une forte minorité, supérieure à 40 %, dans quatre autres cantons : Sarre-Union (47 %), Brumath et Niederbronn (43 %) et Andolsheim dans le Haut-Rhin (45 %). Ils maintiennent aussi une forte présence à Strasbourg : avec 37 % de la population, ils y sont presque aussi nombreux que les catholiques (42 %), car près de 14 % de la population n’a pas été recensée par cultes. En revanche, ils sont totalement absents d’un bon nombre de communes, notamment au sud de la vallée de Munster : la seule exception notable est celle de Beaucourt (aujourd’hui, Territoire de Belfort), relevant de l’ancien comté de Montbéliard où ils sont majoritaires. Contrairement aux catholiques et aux israélites, les luthériens, comme les réformés, restent regroupés dans leurs territoires historiques. 

Les réformés 

Près de 27 000 habitants se réclament de la religion réformée, soit 2,5 % de la population (2,1 % dans le Bas-Rhin, 2,9 % dans le Haut-Rhin). Ils ne forment des communautés conséquentes que dans un petit nombre de sites, urbains ou ruraux, isolés les uns des autres. A la première catégorie, appartiennent trois villes industrielles, Bischwiller, Sainte-Marie-aux-Mines et Mulhouse (et sa banlieue Illzach), où ils sont cependant devenus minoritaires, représentant respectivement 45, 21 et 29 % des habitants. A Strasbourg, le souvenir de la prédication de Calvin (1538-1541) est maintenu par une petite communauté réformée, d’origine suisse, qui bénéficie d’un lieu de culte rue du Bouclier depuis 1788, se dote d’un consistoire et s’étoffe au XIXe siècle (2 387 personnes en 1851).  Mais ce sont des paroisses rurales qui accueillent les communautés les plus homogènes : l’ancienne seigneurie de Cleebourg et Oberseebach au nord, les villages welches d’Alsace bossue et Cosswiller, reconstruit et repeuplé par des paysans suisses après la Guerre de trente ans. 

Les anabaptistes 

2 262 habitants se déclarent anabaptistes (ou mennonites) en 1851. La plupart (78 %) vivent dans le Haut-Rhin, à proximité immédiate de la Suisse dont ils ont été chassés au XVIIe siècle. Paysans vivant dans des fermes isolées, leur présence est à peine visible ailleurs, sauf à Sainte-Marie-aux-Mines qui accueille 180 mennonites, soit la plus forte communauté d’Alsace.

Les israélites

Un peu plus nombreux que les réformés, les 35 817 israélites recensés en 1851 se répartissent de façon très différente sur le territoire : ils sont très dispersés et habitent surtout dans des villages et des bourgs ruraux. Il n’y a pas de « territoire juif » : les israélites ne sont majoritaires qu’à Durmenach, dans le Sundgau, et ne représentent plus de 25 % de la population que dans une dizaine d’autres communes. En revanche, de nombreux villages comptent une communauté d’au moins une centaine d’âmes. Les israélites sont pratiquement absents dans la montagne et les vallées vosgiennes tout comme le long du Rhin et sont davantage présents sur un axe de circulation entre Bâle et Wissembourg dont le tracé épouse de façon remarquable le piémont vosgien : c’est là qu’ils exercent les fonctions classiques qu’on leur connaît, celles d’intermédiaires, marchands de bestiaux, colporteurs et prêteurs d’argent. 

Source :

Pour la première fois en 1851, le recensement inclut la question « Quelle est votre religion ? » sans plus de précisions. En raison des « difficultés assez graves » rencontrées, selon l’administration elle-même, les résultats ne sont pas publiés par départements (mais seulement pour la France entière ainsi que pour les villes, préfectures et sous-préfectures). Ils le sont en revanche par communes dans le Supplément à la première édition du dictionnaire des communes du Haut et du Bas-Rhin, Strasbourg 1853, p.1-23, de l’ouvrage de Jacques Baquol, Dictionnaire géographique, historique et statistique du Haut et du Bas-Rhin, Strasbourg, 1849. La fiabilité de ce recensement, notamment pour les protestants, est également contestée par les contemporains (cf. Claude Dargent, « L’État et la difficile saisie statistique de la religion : l’exemple des protestants dans les recensements en France au XIXe siècle, Population, 2009/1, vol. 64, p. 215-232), mais la sous-déclaration des réformés, notamment là où ils sont très minoritaires et où ils ont quelques raisons d’être méfiants, n’a pas lieu d’être en Alsace.

A noter que le recensement des cultes, interrompu en France en 1856, repris en 1861, 1866 et 1872 pour être définitivement abandonné, est en revanche pratiqué en « Alsace-Lorraine » sous le Reichsland et dans l’entre-deux-guerres, sauf en 1921. 

Bibliographie :  

  • Henri Strohl, Le Protestantisme en Alsace, Strasbourg, Oberlin, 1950 (réédition, 2000)
  • François-Georges Dreyfus, René Epp, Marc Lienhard, Freddy Raphael, Catholiques, protestants, juifs en Alsace, s.l., Alsatia, 1992
  • Bernard Vogler, Histoire des chrétiens d’Alsace des origines à nos jours, Paris, Desclée, 1994. 

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