icon_facebookicon_google-plusicon_pinteresticon_twitterlogo_ukoo

Les frères Callinet, facteurs d'orgues alsaciens (1833-1874)

Caractéristiques

Auteur et institut Cyril Pallaud
Périodes Époque contemporaine
Thèmes Artisanat et industrie
CartographeJean-Philippe Droux, CNRS (ARCHIMEDE)
EchelleSuprarégionale
Date de création2007
SourceCarte originale
Comment citer cette sourceCyril Pallaud, « Les frères Callinet, facteurs d'orgues alsaciens (1833-1874) », in Atlas historique d'Alsace, www.atlas.historique.alsace.uha.fr, Université de Haute Alsace,

Notice de la carte

Les orgues Callinet (XIXe siècle)

Les deux cartes s’inscrivent dans une problématique novatrice considérant l’orgue comme « objet d’histoire ». Avant d’entrer dans plus de détails, une justification de « l’aire culturelle » étudiée nous semble indispensable.

L’Alsace est une des aires géographiques comprenant la plus forte densité d’orgues au niveau mondial. Pourquoi observe-t-on une telle densité ? Peut-on dresser un tableau de la diffusion des orgues et différencier des aires européennes ? Quelles conditions sont nécessaires à l’émergence d’un tel patrimoine ? De quoi est-il révélateur ? D’un seul coup l’orgue, l’orgue prend un caractère structurant et explicatif. Il peut, via une étude de longue durée, être un indicateur patent d’organisations sociales spécifiques. Cette perspective « d’histoire totale » ayant pour base l’orgue, de part son ampleur, est la raison même du choix d’une aire géographique restreinte. Elle renvoie, en effet, à la conception même de la « nouvelle histoire sociale », à savoir la pertinence d’étudier un ensemble géographique restreint afin d’en saisir au mieux les composantes.

Le choix du XIXe siècle est ensuite à éclairer. Cette période revêt une importance particulière dans le monde de l’orgue. Dans un premier temps ce siècle est dynamisme : jamais autant d’orgues n’auront été construits en si peu de temps. Deuxièmement c’est la bifurcation systémique de la facture d’orgues qui nous a semblé pertinente. Callinet cadet symbolise la modernité de ce XIXe siècle. La facture s’internationalise synthétisant dans un « orgue de transition » les influences françaises et allemandes. Ce siècle pose donc avec force la question de la définition et de l’évolution du métier de facteur d’orgues à un moment clef de bifurcation économique.

Dans le secteur artisanal, la facture d’orgues a réussi sa mutation et le meilleur exemple en est la dynastie Callinet. Notre choix s’est porté sur Claude Ignace Callinet et ce pour plusieurs raisons : il synthétise plus que tout autre l’évolution du métier de facteur d’orgues. Issu d’une dynastie germanique, il part faire ses études à Paris. Dès lors son esthétique et sa conception sonore ne sont plus traditionnelles. L’intérêt de Claude Ignace est aussi socio-économique. Avec Oberhergheim il est le premier facteur d’orgues à comprendre l’évolution du marché alsacien.

Les deux cartes ci-présentes ne sont pas qu’illustrations, elles sont des éléments à parts entières de l’étude précédemment décrite. La thèse de Pie Meyer-Siat fut notre ouvrage de référence. Mais, musicologique et éditée il y a plus de quarante ans, elle n’était, de loin, pas suffisante. Nous avons donc rajouté l’étude de fonds d’archives pour les cas litigieux (Oberhergheim, AD Colmar 2 O 1447) ainsi que les articles spécialisés existants (C. Lutz, « L’œuvre de Claude Ignace Callinet en Lorraine », RHOA, 1 (2007), à paraître ; L’Orgue, 253, 2001/1 pour l’orgue de Bourg-en-Bresse). Avant de passer à leur analyse il est à noter que ces cartes ne sont qu’un point de départ, ne représentant que l’état actuel des connaissances sur l’œuvre de Claude Ignace Callinet. De nombreux sites restent encore à analyser, notamment hors d’Alsace.

Etablir une carte des orgues neufs construits par Callinet cadet permet d’étudier sa production. Construire son premier orgue neuf est l’équivalant de la réalisation d’un chef-d’œuvre pour un compagnon. C’est à partir de là que la carrière de l’artisan artiste débute véritablement. Pour Claude Ignace elle débute en 1833 à Aubure et se termine 38 instruments neufs plus tard à Widensolen en 1872. Cette production est très importante. Regroupée sur 35 ans, cela signifie que plus d’un instrument neuf sortait des ateliers de Rouffach par an. Considérant que le temps de construction moyen d’un petit instrument est de 3 mois et d’un grand de plus d’un an, considérant par ailleurs que plus de la moitié du temps de travail d’un atelier de facture d’orgues est employé à l’entretien, aux réparations et éventuelles restaurations, nous pouvons affirmer avec peu de doutes que l’atelier fonctionnait à plein régime.

Trois périodes ont été distinguées sur cette première carte. Les années de jeunesse (1833-1837) voient la construction de petits instruments dans le Haut-Rhin, du seul dans le Bas-Rhin (aire de production de la dynastie Stiehr-Mockers) et d’un orgue plus important à St Chamond. Jugeant son frère digne, Joseph Callinet propose une association à son cadet. 1837-1843 correspond à la période des « Callinet Frères ». Période faste, âge d’or, il n’est pas représenté sur les cartes car les deux frères construisent ensemble les mêmes instruments. La famille se déchire en 1843 pour des motifs tant esthétiques que personnels. Cette période de troubles, durant de 1843 à 1851, marque une rivalité patente entre les deux frères. C’est cette période que représente la deuxième carte. Cette dernière répond à une question posée en son temps par Pie Meyer-Siat : observe-t-on une division des aires de production entre les deux frères ? La réponse est clairement non. Les deux aires s’interpénètrent jusqu’à fusionner à Oberhergheim, lieu d’affrontement ouvert entre les deux artistes. Parallèlement, cette période voit une externalisation de la production. Est-ce pour éviter l’affrontement direct ? Est-ce plutôt suite à la réputation acquise par la manufacture ? Si les documents ne nous renseignent pas encore assez précisément sur ce point, Claude Ignace construit alors ses plus grands instruments dans l’hexagone. La dernière période (1851-1872) voit la mort rapide de Callinet aîné. Claude Ignace n’ayant plus de concurrents directs il obtient avec plus de facilité les marchés importants proches de Rouffach.

Ces cartes permettent de montrer que l’implantation de Claude Ignace est essentiellement alsacienne, bien que la renommée de ses ateliers l’amène à voyager très régulièrement. Ces « têtes de pont » hors d’Alsace sont le fruit de concours de circonstances comme seule l’histoire sait en produire. L’influence qu’on put avoir les Callinet n’est pas visible ici, mais plutôt dans la visite qu’ils reçurent de Cavaillé-coll, immense facteur parisien, auquel on doit la fameuse expression « Alsace, pays des orgues ».

Fichier à télécharger